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Publié le 22 février 2018

« La Bretagne sera indépendante, c'est le sens de l'Histoire »

     Dans « Du bonheur d'être breton », Gilles Martin-Chauffier annonce que les régions vont prendre leur revanche sur les nations. Bien aidées par l'Europe.

PROPOS RECUEILLIS PAR FLORENT BARRACO

Publié le 21/12/2017 à 16:46 | Le Point.fr

 

    

 

 

Et si la Bretagne suivait l'exemple catalan et demandait son indépendance ? © Photononstop/ Alain Le Bot

   Alors que la Catalogne est tourmentée par son avenir au sein de la péninsule ibérique, un petit livre (77 pages) ose dire ce que tout le monde pense, ou craint – c'est selon. Dans Du bonheur d'être breton (éd. Équateurs), Gilles Martin-Chauffier, rédacteur en chef de Paris Match, explique que, à l'instar de la Catalogne, la Bretagne (et les autres régions françaises et européennes) sera indépendante à moyen terme. Cette sécession « est inévitable, inscrite dans les faits. C'est comme le réchauffement climatique », écrit-il dans l'introduction de son ouvrage. Après un long rappel de l'historique de la Bretagne, le journaliste annonce la fin de l'unité de la France ; les grandes régions, à l'identité culturelle forte et favorisées par Bruxelles, prenant (enfin) leur revanche sur les États nations, tout-puissants depuis au moins un siècle et demi. Un pamphlet polémique et passionnant. Entretien.

     Le Point : Pourquoi avoir décidé d'écrire ce livre qui imagine la Bretagne indépendante ?

     Gilles Martin-Chauffier : Ce qui a déclenché le livre, c'est ce qui se passe en Catalogne. J'ai observé avec passion, et tous les Européens devraient l'observer, ce qui se passait là-bas. Les Catalans ont très mal joué leur carte. Ils ont confondu indépendance fiscale et indépendance nationale. Le principal argument utilisé par les partisans de l'indépendance était économique : ils estimaient que la Catalogne donnait trop d'argent aux autres. Cela donnait un côté peu sympathique. Alors qu'ils auraient dû placer leur combat sur le plan culturel : la Castille, c'est la Castille ; la Catalogne, c'est la Catalogne. La Catalogne a son identité (pays méditerranéen), sa langue, sa culture (Sagrada Familia, Miró, Dalí). Mais quoi qu'il arrive, la Catalogne a sérieusement ébranlé l'édifice espagnol. Rien ne sera plus comme avant. En Espagne et en Europe. Du coup, cela m'a donné l'envie d'écrire ce livre avec un postulat : les grandes régions vont vouloir prendre leur indépendance. C'est le sens de l'Histoire. Aujourd'hui, c'est la Catalogne, l'Écosse, la Flandre ; demain, ce sera le tour de la Corse (on a d'ailleurs vu les résultats électoraux), de la Sardaigne. Et je suis convaincu que l'Union européenne va aider ce mouvement.

Les Bretons, les Basques, les Corses, les Alsaciens ont eu une très longue histoire personnelle. Or, ils ne le savent pas. C'est tout le travail de Michelet, qui a écrit, et inventé, une histoire de France complètement fausse

      Vous vous attendez donc à un effet domino, qui toucherait donc à moyen terme la Bretagne ?

      Tout à fait. Ça ne se fera pas violemment. Faisons un peu d'histoire, la Bretagne ne s'est pas battue quand la France l'a intégrée. Son assimilation s'est très bien passée. Il n'empêche, la Bretagne a une identité très forte, notamment géographique (les gens savent où est la Bretagne) et culturelle. Les Bretons n'ont pas un nationalisme vindicatif, hargneux, mais il est viscéral. Quand vous allez à l'étranger, le Breton de base sort avec son drapeau. La Bretagne finira par demander son indépendance même si, finalement, elle est tombée amoureuse de la France. Car on ment aux Français. Les Allemands de Bavière savent très bien qu'ils n'ont pas une histoire commune avec l'Allemagne ; les Italiens de Florence savent qu'ils ne sont pas des Italiens comme les autres, ils ont leur propre histoire. Les Bretons, les Basques, les Corses, les Alsaciens ont eu une très longue histoire personnelle. Or, ils ne le savent pas. C'est tout le travail de Michelet, qui a écrit, et inventé, une histoire de France complètement fausse. Et les gens y ont cru.

     La Bretagne et les autres régions françaises prendront-elles le risque de se séparer de la France ?

     Justement, il n'y a aucun risque. Les nations veulent le faire croire, mais l'électricité sera toujours vendue. Rien ne va arriver. Quand la Tchécoslovaquie s'est séparée, cela s'est bien passé.

    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     En Catalogne, des entreprises ont délocalisé leur siège social, l'économie a ralenti...

     C'est du pipeau intégral. Ce sont des menaces. Dans le livre, j'écris « jetez-vous et les ailes pousseront », et c'est ce qui s'est toujours passé. Il n'y aura pas de désorganisation économique si la Bretagne, ou une autre région, devient indépendante. Quand cela se passera, la nouvelle capitale sera Bruxelles. C'est aussi simple que cela. Au lieu d'une Europe à 27, ce sera une Europe à 60. Bruxelles sera l'interlocuteur unique. D'ailleurs, c'est déjà un peu le cas puisque l'Europe décide de presque tout. On le voit sur le Glyphosate, les migrants, etc. Bruxelles décidera comment ces nouvelles régions s'organiseront. Prenez la France en 1200, Paris ne fait pas la loi. Peu à peu, les villes comme Rouen ou Toulouse ont perdu leur apanage, le pouvoir est passé à Paris et la France est devenue centralisatrice. Dans 30 ou 40 ans, ce sera la même chose avec Bruxelles.

     La France ce n'est pas un État jacobin, c'est un état d'esprit

     N'y a-t-il pas un risque que la France, ou ce qu'il en restera avec des régions éclatées, perde son influence dans le monde ?

     Ça n'a pas d'importance. La France ne sera plus la France. L'influence de la France dans le monde diminue depuis 150 ans. La seule façon pour notre pays de rester une force dominante, c'est d'être un élément moteur de l'Europe.

     Pourtant, grâce à la monarchie, l'Empire et la IIIe République, le centralisme a forgé l'identité de la France...

      Ce n'est pas ça, l'identité de la France. Son identité, c'est son climat, son architecture, son art de vivre. La France, ce n'est pas un État jacobin, c'est un état d'esprit. La France, pour le reste du monde, c'est une certaine idée du charme, des villes très belles, le parfum, la mode, la littérature. Quand les régions seront indépendantes, nous garderons tout le charme de la France et perdrons toute la lourdeur de l'État français.

      Bruxelles a pour l'instant le pouvoir symbolique, mais ce sont les barons (ici les nations) qui exercent le pouvoir

     Dans votre livre, vous écrivez « Pour mieux régner, Bruxelles divisera », car « les vieilles régions seront plus manipulables que les grandes nations actuelles ». Bruxelles joue-t-elle les régions contre les nations ?

     La Commission de Bruxelles se bat désespérément pour augmenter son pouvoir : plus les nations sont faibles, plus elle a une chance d'avoir une meilleure emprise sur les pays. C'est comme les rois de France en l'an 1000 : elle a pour l'instant le pouvoir symbolique, mais ce sont les barons (ici les nations) qui exercent le pouvoir. Si Bruxelles veut une armée européenne, il faut que celle de la France soit dissoute. Et c'est comme ça dans tous les domaines.

    En 1953, Georges Bidault disait : « Il faut faire l'Europe sans défaire la France. » Finalement, la conclusion de votre ouvrage est tout le contraire.

     Bien sûr. Georges Bidault disait ce que l'époque voulait dire. On n'allait pas annoncer la couleur. Bien sûr que les nations vont disparaître. L'Europe, c'est le ciel. La France, l'Allemagne et les autres, ce sont les nuages. Elle restera, quoi qu'il arrive ; eux seront emportés par le vent de l'Histoire.

« Du bonheur d'être breton : les régions contre les nations », de Gilles Martin-Chauffier, ed. Équateurs, 77 pages, 12 euros.

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Publié sur site le 11 juillet 2017 - Carhaix, mardi 21 février 2017,

le régionalisme, une chance pour la démocratie

 

 

 

 

 

 

 

 

    Communiqué du Mouvement Bretagne et Progrès

    Régionalisme. Pour beaucoup, ce mot résonne un peu comme celui d’auberge espagnole, un établissement où l’on n’y mange que ce que les clients y apportent.  Mais pour certains, dont nous sommes, au Mouvement Bretagne Progrès et à Oui, la Bretagne, ce mot est au contraire chargé de sens. Celui d’une nouvelle espérance démocratique, au service de populations lassées du fossé de plus en plus large qui se creuse entre elles et le pouvoir politique.

    Ce pouvoir d’en haut, exclusif, éloigné, pesant, le régionalisme veut le remplacer par des centres de décision transversaux, proches, réactifs, souples, et surtout à l’écoute des citoyens. Le jacobinisme, ou la propension arrogante de décider à Paris de ce qui est bon pour le reste de la France, sans tenir le moindre compte des particularités régionales, le jacobinisme, cette manière méprisante et méprisable de gouverner, est en fin de course. Au temps de la gouvernance descendante et centralisée à outrance  doit succéder celui de la gouvernance ascendante et riche de ses foyers de réflexion et d’action. Après tout, il est quand même plus facile de répondre aux besoins et attentes des gens quand on est proche d’eux, c’est le simple bon sens. Evidemment, il ne s’agit pas là de multiplier les couches du fameux mille-feuilles territorial, mais bien au contraire, de casser la marche lourde et inefficace d’un Etat trop centré sur lui-même pour le remplacer par un fonctionnement qui rapprocherait le citoyen des lieux où sont pris les mesures qui le concernent, pour lui, pour ses enfants, pour sa vie de tous les jours.

    Mais le régionalisme, c’est aussi savoir dire et agir sur un mode nuancé, admettre que ce qui est bon pour telle population n’est pas nécessairement adapté pour telle autre. Une modulation, au passage, qui est loin d’être réservée aux territoires à forte identité culturelle : le fait de s’appeler Alsace, Bretagne ou Corse n’est pas nécessairement plus porteur  que de s’appeler Ile-de-France ou Nord-Pas-de-Calais. Il n’y a pas de régions prédestinées au régionalisme, affirmer le contraire serait réducteur, prétentieux et surtout contre-productif. Car le régionalisme,  c’est d’abord connaître les richesses de son territoire – en énergies, compétences, savoir-faire – pour les exploiter au mieux, afin de bâtir un avenir propre et différencié. Le régionalisme, enfin, c’est construire une approche démocratique, nouvelle et novatrice, qui implique et responsabilise le citoyen : au lieu de le considérer comme un simple machine à voter que l’on sollicite de temps en temps, pour lui confisquer le pouvoir une fois les élections passées,  le régionalisme  l’invite au contraire à se mettre autour d’une table pour proposer, discuter, et agir au plus près de ses lieux de vie. Et cette proposition de démocratie implicative est faite à toutes et à tous, peu importe l’endroit où l’on vit.

    La démocratie actuelle est à bout de souffle, et surtout, elle est en danger. Beaucoup de citoyens, déçus, lassés du peu de considération dont ses représentants font preuve à leur égard, sont attirés par des attitudes électorales extrêmes. Il est temps, il est grand temps, d’arrêter ce mouvement mortifère. Le régionalisme et ses propositions réellement démocratiques a cette ambition : faisons lui confiance.

    Michel LE TALLEC

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Publié le 12 juillet 2017

La langue bretonne, un combat pour la liberté !

 

 

 

 

 

     La langue bretonne est un combat pour la liberté, un combat pour que nos droits linguistiques soient enfin démocratiquement reconnus et surtout appliqués.

     C’est un combat pacifique où nous devons nous battre pour que nos enfants, tel le petit Fañch, puissent avoir accès à l’orthographe correcte de leur prénom. C’est une évidence partout aujourd’hui en Europe sauf en France. Cela doit changer par l’officialisation de la langue bretonne.

     L’actualité, une fois de plus, malheureusement nous montre que rien n’en encore acquis pour les bretons. Aujourd’hui c’est France Bleu Breiz Izel qui voit ses programmes radios spécifiques supprimés au profit de ceux diffusés par Paris. Devons-nous aussi craindre qu’une des rares radios en langue bretonne tel qu’Arvorig FM disparaisse ? Nous devons coûte que coûte obtenir la création d’un véritable service radiophonique public en langue bretonne capable d’émettre sur les cinq départements bretons.

     Alors qu’avec plus de 4 millions d’habitants la Bretagne devrait disposer d’un pannel de plusieurs chaines TV en langue bretonne, ici nous en sommes toujours à nous battre  pour qu’une partie de la Bretagne reçoive la seule émission existante et cette partie ne la reçoit toujours pas, ceci n’est plus acceptable. Le Pays de Galles (jumelé avec la Bretagne) avec une population de 2,5 millions d’habitants dispose avec S4 et BBC Cymru deux chaines TV intégralement diffusées en langue galloise. La création de la première chaine télévisuelle en langue bretonne reste donc un impératif !

     Internet pourrait sembler être une planche de salut, des créations modernes y apparaissent mais cela ne remplace pas encore une véritable chaine de TV grand public. C’est donc là  un outil à promouvoir fortement.

     Dans le réseau éducatif les fermetures d’écoles et les suppressions de postes d’enseignants sont des traumatismes que les plus jeunes ne devraient plus jamais subir. Les écoles existantes doivent être pérennisées et les ouvertures facilitées là où il y a une demande des parents. Devoir attendre 5 ans avant d’avoir droit à une aide publique est contraire au principe d’égalité si souvent évoqué. Rappelons tout de même que le réseau Diwan ne s’est développé que pour pallier  la carence de l’Etat central. Comparé avec la situation réservée aux autres langues minoritaires en Europe, il n’est pas exagéré d’affirmer que la langue bretonne souffre ici d’une vraie discrimination.

     L’édition dans cette langue, les revues, les traductions telles qu’Harry Potter ou Shinning démontrent amplement la soif d’ouverture et de modernité des jeunes brittophones. Et pourtant éditer en langue bretonne coûte plus cher qu’éditer en français. Encore une anomalie qui ne peut être corrigée que par un soutien accru de la part de la puissance publique.

     Le combat pour la langue bretonne, Ar Brezhoneg, seule langue celtique, faut-il le rappeler, encore parlée sur le continent européen, ne se gagnera que par la volonté de toute la population  brittophone, les jeunes au tout premier rang. Ce combat passe par les urnes en faisant le choix de candidats décidés à mettre en œuvre les conditions et les moyens pour l’obtention de nos droits linguistiques et de nos libertés. L’objectif reste la ratification de la Charte européenne des Langues Minoritaires, non pas a minima, mais en complète adéquation avec les droits inaliénables de ces mêmes brittophones.

    

     Pour aller sur le site 7seizh.info, cliquez sure e lien ci-dessous

     La langue bretonne, un combat pour la liberté ! - 7seizh.info

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Publié le 4 février 2019 

Montesquieu et les juristes bretons

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     Le 350e anniversaire de la naissance de Charles Louis Secondat de Montesquieu, né à La Brède, au sud de Bordeaux, le 18 janvier 1668, est l’occasion rêvée d’une relecture de son Esprit des Lois (1748). Les lecteurs bretons y trouveront deux allusions décisives à leurs traditions juridiques, aux Livres III et V.

     Montesquieu note ainsi (III, 18,21) : « Le dernier des mâles, qui reste dans la maison avec son père, est donc son héritier naturel. J’ai ouï dire qu’une pareille coutume était observée dans quelques petits districts d’Angleterre, et on la trouve encore en Bretagne, dans le duché de Rohan, où elle a lieu pour les rotures. C’est sans doute une loi pastorale venue de quelque petit peuple breton, ou portée par quelque peuple germain. » Montesquieu est plus précis au livre V (28, 45) en dissertant sur les chartes traditionnelles, dites aussi « établissements », dont il fait remonter les origines écrites à « l’assise de Geoffroy, comte de Bretagne, sur les partages des nobles ».

     Il s’agit en fait d’une ordonnance de Geoffroy II de Bretagne, fils d’Henry II Plantagenêt, laquelle reste encore l’un des plus anciens textes juridiques relatifs aux règles de transmission testimoniale des terres. Elle fut lue en grande cérémonie en 1185, au cours d’une assemblée solennelle réunissant à Rennes les grands seigneurs et évêques bretons. Raison pour laquelle elle resta sous le nom d’Assise au comte Geoffroy.

     De quoi s’agissait-il ? De la transmission des terres dans la noblesse, selon des directives qui furent ensuite reprises dans les familles ordinaires. Il faut y voir la première formalisation de ce que les travaux de Frédéric Le Play au XIXe siècle (L’Organisation de la famille, 1871), puis d’Emmanuel Le Roy Ladurie (Histoire économique et sociale de la France, 1976) contribueront à définir comme un modèle de « famille souche », habituel dans le monde celtique : ouest de la Bretagne, nord de l’Écosse, pays de Galles, Irlande, ou nord-ouest de l’Espagne à influence celtique (monde basque). Le modèle en sera popularisé ensuite par des sociologues et démographes comme Emmanuel Todd et Hervé Le Bras (L’invention de la France, 1981).

     Dans ces familles de genre « souche », les relations entre parents et enfants sont de type autoritaire, marquées par le respect du père et le rôle décisif accordé à la mère, combinés à la perpétuation des valeurs morales jusque dans la cohabitation de plusieurs générations. Les relations successorales entre frères y sont de type inégalitaire, mais néanmoins étendues égalitairement aux sœurs. De telles approches modernes sont conformes à celles suggérées dès le XIIe siècle par l’Assise à Geoffroy, qui résume deux pratiques juridico-testamentaires restées sous les noms de droit juveignerie et de droit de quévaise.

     Le droit de juveignerie fut pratiqué dans la noblesse bretonne après Geoffroy II, et notamment dans le duché de Rohan, puis transmis à la société civile. Il consistait à donner à l’aîné qui, marié, quittait le foyer, une terre en partage, laquelle restait dans le parage du père, c’est-à-dire qu’elle lui devait des redevances. Le système continuait avec d’autres terres pour les cadets, s’il en existait, et jusqu’au puîné qui, à la mort du père, recevait le reste des terres en juveignerie, laquelle se différenciait de la seigneurie qui revenait alors à l’aîné. Dans les cas d’héritières filles, elles bénéficiaient d’une dot matrimoniale (martigium) équivalente à leur rang, et le gendre prenait la même place que celle d’un héritier mâle, les règles de juveignerie et de seigneurie continuant de s’appliquer. En cas de décès du puîné ou d’une sœur cadette, la terre en juveignerie revenait à l’aîné. Un tel système testimonial, visant l’indivisibilité des fiefs, évitait le démembrement des propriétés et tentait d’assurer la stabilité des pouvoirs locaux, écartelés qu’ils étaient à l’époque entre les couronnes anglaise et française. L’exercice (non explicite) du contrôle des naissances évitait (déjà) les familles trop nombreuses. Du point de vue de l’histoire de la région, il importe surtout de noter que la juveignerie proposée par Geoffroy faisait passer la Bretagne d’un système tribal de transmission à un système proprement féodal de conservation.

     La pratique successorale de la quévaise (quemaes en moyen breton, kevaez en breton moderne) en est une dérivation, appliquée dans les seigneuries ecclésiales ou les propriétés nobles sans héritier. Une propriété étant confiée à un paysan, il devait en cultiver la bonne terre soumise à redevance, le reste étant à son gré, ou à sa puissance de travail, défriché, exploité ou ensemencé à sa façon, presque sans redevance. Une telle organisation permettait tout à la fois un dessouchement de terres boisées, ou une exploitation de landes désertées, une fixation de populations nouvelles, et un éventuel enrichissement de paysans maltraités ou sans emploi. Elle fut décisive pour la paysannerie bretonne.

     Ces rappels de la juveignerie et de la quévaise, suggérés par la relecture de l’Esprit des Lois, soulignent combien, au temps des études juridiques de Montesquieu à Bordeaux (1708-1711), les cours de droit des gens et de jurisprudences régionales comptaient pour l’essentiel. Heureuse époque où ces pratiques ordinaires et plurielles l’emportaient, dans la formation des esprits, sur l’unique cours de droit français centralisé qui embuait le jugement.

     Jean-François Gautier

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Publié le 4 février 2019

Avant-gardistes, les Celtes au premier rang

     

      Les villages celtes étaient bourdonnants de travail, alors même que les laboureurs étaient aux champs. Tous les métiers nécessaires à la vie pratique des habitants étaient exercés dans d’humbles maisons de pierres séchées, à demi enterrées dans le sol. Souvent oubliés ou déconsidérés, les apports techniques des Celtes dans plusieurs domaines sont pourtant nombreux. 

      Les Celtes, tailleurs et cordonniers

     La chemise de lin que les Gaëls portaient sur leurs jambes nues (qui n’était autre que l’ancêtre du kilt) et que les continentaux coinçaient dans leur pantalons flottants ou lacés, était tissée dans le pays, de même que les tuniques, les sayons, les plaids de laine qui les recouvraient. On a pensé que c’étaient des procédés de fabrication des Morins et des Ménapes qui se transmirent aux tisserands de Flandre.

     Maîtres teinturiers, les Celtes fabriquaient des tissus « écossais » aux couleurs chatoyantes qui étaient demandés de l’étranger. Cordonniers experts, ils ont imposé la botte de cuir, la caliga, aux Romains qui, en outre, leur ont emprunté les galoches (gallicae), plus pratiques que leurs sandales pour marcher dans la boue.

    Habiles orfèvres et forgerons, les Celtes fondaient les métaux, pratiquaient la dorure, le martelage, le repoussé. Spécialistes des boutons émaillés, ils les exportaient en Italie où le procédé était inconnu. Leur métallurgie était un sommet pour l’époque.

     Inventeurs du char de guerre

    Ils travaillaient le bois avec un choix d’outils qui étonnent encore aujourd’hui. Ils furent les premiers carrossiers de leur époque, inventeurs du char de guerre et de plusieurs types de voitures qu’adoptèrent leurs conquérants. Il nous reste d’eux des tonneaux entiers.

     Ils ont fait les deux inventions révolutionnaires de l’éperon et du collier qui s’appuie sur les épaules du cheval et lui permet de tirer des charges plus lourdes, alors que la courroie de poitrail lui comprimait les poumons. Le bas-relief de Montauban en apporte la preuve. Et le témoignage de Pline au sujet de la moissonneuse gauloise, qui date du milieu du premier siècle, indique que l’invention est antérieure et eut lieu par conséquent au temps de l’indépendance. Il faut encore inscrire à leur actif la faux à deux mains, la grande herse et la charrue sur roues.

 

Bas-relief de Montauban-sous-Buzenol. Source : Flickr

   

 Les Celtes et la médecine

    Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les armes et les bijoux des Celtes. L’art de la Tène, apogée du celtisme, est là pour en témoigner.    

    Quant à leur médecine et leur chirurgie, elles étaient bien moins primitives que ce que nous serions tentés de croire. Les Celtes soignaient avec le jus des plantes et n’obtenaient probablement pas de plus mauvais résultats que certains produits de laboratoire des sociétés modernes. Ils y ajoutaient la médecine magique, celle que nous nommons désormais psychologique. La formule rica rica soro, que l’on peut traduire par « que je puisse faire sortir cette ordure », guérissait, paraît-il, de l’orgelet…

   Sources : La Civilisation des Celtes (Olivier Launay), Les Celtes et la civilisation celtique (Jean Markale), La société celtique (C.J. Guyonvarc’h), Introduction générale à l’étude de la tradition celtique (F. Leroux)

   Crédit photo : Pixabay (CC0/fotobias) [cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.

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